• (♫ Tempête, Francesca da Rimini ♪ de Tchaïkovski…)

    L'œil de Sauron. Non. Le mur de neige.Avec l'hiver qui s'avance, il est un phénomène que nous, météos, devons particulièrement surveiller, c'est le catabatique. En hiver, les températures sur le haut du continent antarctique deviennent très froides, jusqu'à -70°/-80°C à Concordia, par exemple. Cet air froid, plus dense que l'air plus doux, aura tendance à vouloir s'écouler vers le bas, par gravité, entrainé par son propre poids. Comme le haut du plateau antarctique se situe entre 3000 et 4000m, l'air froid va suivre les lignes de plus grande pente, comme une boule de neige va dévaler une pente montagneuse par le chemin le plus raide. D'abord animé par une petite vitesse en haut du plateau, « l'effet boule de neige » sur cet air froid, finit par lui donner des vitesses importantes à son arrivée sur l'Océan. Et pour peu qu'une petite dépression idoinement située viennent aspirer cet air froid, comme pour donner un coup de pouce, on se retrouve avec une tempête de catabatique, comme la tempête « Zoé » d'hier qui a donné des rafales à 150 km/h (et une température de -27,5°C, soit « mieux » que dans les Vosges en 1956).

    L'arrivée de vent est d'abord matérialisé par le mur de neige, qui est un ressaut du vent vers le haut, puis ce mur s'avance, parfois soudainement, sur la station, et c'est la tempête, avec du vent, et pire encore des visibilités lamentables, qui peuvent perdre un hivernant pour peu qu'il ne se soit pas réfugié assez vite dans un bâtiment... Le GPS (et donc retour aux instruments) peut l'aider à retrouver son chemin.

     Et là, c'est le drame (la photo améliore nettement la visibilité par rapport aux yeux des hivernants...)


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  • (♫ Puisque tu pars ♪ de Jean-Jacques Goldman…)

    Départ avec une élégance impériale (Photo : Dr Céline Dupin)Les manchots empereurs sont arrivés au Nunatak depuis près de deux mois. Et après avoir formé des couples, la femelle du couple a pondu un gros œuf. Elle le laisse à son compagnon dans un rituel actuellement guetté par Jimmy, notre ornithologue. Ce rituel est appelé « passation de l’œuf » et connaît hélas des ratés : pour peu qu'il s'échappe au moment de l'échange, les températures polaires le congèle immédiatement et irrémédiablement. Après la passation, elles quittent le Nunatak pour descendre vers l'Océan, en passant (c'est mieux) par les antennes de détection posées sur le trajet. Elles vont faire le plein de nutriments pendant deux mois. Le mâle restant va donc incuber l’œuf et poursuivre son jeûne de 115 jours commencé mi-mars, dans les conditions météorologiques les plus hostiles de la planète, en attendant le retour de sa promise vers la mi-juillet.

    Note astronomique : une petite carte postale d'Adrien qui a eu le bon réflexe d'avoir son réflex pour photographier l'éclipse de Lune du 16 mai qui était totale en France métropolitaine, mais partielle à DDU.

    15 minutes après, elle était à nouveau bien ronde... (Photo : Adrien Colomb)


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  • (♫ Sundown ♪ de Board of Canada : le lancer de 6h TU coïncide avec le coucher du soleil à DDU en cette saison)

    Campagne de mesure YOPPCette année 2022 est une année YOPP (Year Of Polar Prediction, année pour la prévision polaire), une année où l'observation et la recherche en météo met l'accent sur l'amélioration de la prévision dans les zones polaires arctique et antarctique. La dernière c'était en 2018... Notre rôle, en tant que météo de terrain, est d'effectuer trois lâchers de radiosondes quotidiens. Celui de 00h TU (à 10h locales), habituellement fait tous les jours, est doublé par celui de 6h TU (16h locales) et triplé par celui de 12h TU (22h locales). Mais nous ne sommes pas la seule base qui participe à ce projet : de nombreuses bases antarctiques sont impliquées, en commençant par les stations qui donnent le top départ de la campagne de mesure : Casey, Davis (Australie), Palmer et Mc-Murdo (USA). Elles nous ont donné un premier top du 11 au 15 mai, et nous en aurons un autre un peu plus tard dans l'année. À suivre...

    Petite note pour les multi-blogueurs : la tempête « Lucie » (plutôt son train de houle associé) a arraché la banquise à l'avant de Pétrels (l'arrière a été préservé, je peux continuer à skier...), mais vous remarquerez sur cette photo qu'elle se reforme finalement assez vite...


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  • (♫ Oxygène IV ♪ de Jean-Michel Jarre, avec un clip antarctique)

    Le retour des hérosAvant-hier, le 4 mai, une équipe de cinq marcheurs et un skieur (votre serviteur) est partie à l'aube (vers 8h30, l'aube est de plus en plus tardive...) pour explorer l'épaisseur de la glace entre l'île des Pétrels et la tête de pont sur le continent, appelé point D0, près de la base Robert Guillard. Une longue ligne droite d'un peu plus de cinq kilomètres, que JP, notre DISTA, va examiner avec son perforateur. Si les premières mesures font état de 30 cm, très vite, en avançant vers le continent, il mesure entre 40 et 50 cm, ce qui est très confortable pour un marcheur. En une heure et quart environ, l'itinéraire a été reconnu, sous des lumières dorées fabuleuses, avant un retour d'une traite avec peu de vent mais par -20°C.

    L'après-midi, notre Dista mettait à jour la carte banquise, en délimitant des zones Z1, Z2 et Z3. Z1 c'est la zone dans laquelle on peut évoluer seul et sans appel radio (même si JP conseille de le faire quand même lorsqu'on est sur la banquise). Les zones Z2, nécessitent d'y être à deux et avec appel radio obligatoire. Pour la zone Z3, il faut être trois, équipé de radio et d'un téléphone par satellite Iridium, et déposer une demande motivée au Dista la veille. Cette carte peut évoluer à tout moment en fonction des sorties de reconnaissances de l'épaisseur de la banquise ou des débâcles dues aux tempêtes et/ou aux gros train de houle, qui arrivent à passer le pack. Le tour de l'île de Pétrel, va être, par exemple reconnu demain, et si ça se présente bien, être ouvert en Z1, Z2 ou Z3.

    À noter qu'en rouge sont délimitées les ZSPA (Zones Spéciales de Protection de l'Antarctique), les îles au sud de Pétrels et la manchotière dont les accès sont réglementés (voire interdits pour la manchotière) et comptabilisés.

    La carte « périmètre de sécurité » au 4 mai 2022

     


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  • (♫ Kodakchrome ♪ de Paul Simon, en référence au film argentique couleur qui fut très utilisé jusqu'à l’apparition du numérique)

    Ma grotte quand il fait moche...Un des grands plaisirs que j'ai ici à DDU, c'est d'aller faire un tour au laboratoire photo argentique, situé dans le bâtiment de « Géophys », et qui a servi jusqu'à très récemment au développement des clichés radio de l'équipe médicale. Ce labo est une véritable caverne d'Alibaba et permet de réaliser toutes les opérations de photo argentique en noir et blanc (le procédé couleur nécessite des machines automatisées hors de portée des amateurs et inutile pour les radios). Ainsi, on a une bobineuse qui permet de conditionner en cartouches 135 des films argentiques livrés en long métrage. Ensuite, tout le processus de développement de la pellicule peut se faire grâce à des spires de chargement et des cuves, dans lesquelles on verse des produits chimiques également disponibles : d'abord le révélateur, puis le bain d'arrêt puis le fixateur (tous renvoyés vers la France pour être retraités après utilisation). Enfin une colonne de développement, du papier photo et les chimies associées permettent de faire des triages jusqu'au format A3. La pièce est peinte en noire, parfaitement étanche à la lumière pour le chargement des bobines de films, mais aussi avec une lumière rouge inactinique qui sert à regarder le papier photo avant développement, sans le détériorer. Il faut être soigneux, patient, aimer (un peu) le calcul pour bien caler les temps et les dilutions, mais c'est passionnant. Ne manquerait que l’appareil photo ? Même pas, un vieux Minolta SRT101b de la fin des années 1970 et que j'espère avoir réussi à réparer, trône sur un coin du labo. Il devrait nous livrer ses premiers clichés bientôt. Personnellement, j'utilise mon canon EOS33 du début des années 2000, un des derniers appareil photo argentique fabriqué par Canon.

    Et ça permet de faire des cadeaux « trop stylés » comme ici à Lucie, dont c'était l'anniversaire le 30 avril...


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