• (♫ Opening ♪ de Philipp Glass, interprété par Víkingur Ólafsson)

    Un cas rare de banc de brouillard (le 27 nov. dernier)Pour mon 96è et dernier article, je voulais vous proposer un résumé climatique de cette année 2022 à Dumont d'Urville.

    Côté températures il s'agit d'une année plutôt « chaude » avec un écart à la moyenne de +0,7°C (-10.3°C de température moyenne). En fait, seul le mois d’aout a été bien en-dessous des normales (-1,9°C), En revanche, mars,  mai, septembre et surtout octobre (+2,6°C) ont été particulièrement doux. Le record de température maximale quotidienne de l'année est de +5.2°C le 15 décembre 2022 (mais le record de la TA est de +7.7°C les 13 et 14 décembre 2021) et le record de froid est de -31,1°C relevé le dernier jour du mois de juin.

    2022 a été aussi une année ventée car si on regarde les occurrences de rafales supérieures à 100 km/h, on est au-dessus de la normale. Certes, janvier a été très calme (avec une seule occurrence), mais la période avril-novembre a connu beaucoup de journées avec des rafales supérieures à 100 km/h. Cela se retrouve pour les tempêtes (vent moyen supérieur à 50 kts pendant au moins trois heures), et chacun des hivernants a pu avoir une tempête à son nom. La rafale maximale de l'année, 189 km/h, est tombée en tout début d'hivernage avec « Gaétan », le 4 mars 2022. À noter une tempête mi-décembre 2021, rattachée à notre TA, « Céline », et une autre fin décembre 2022 donc rattachée à la TA73 : la tempête  « Victor ».

    L'insolation est déficitaire, -9% par rapport à la normale. On a eu un très beau mois de janvier, et aussi un beau mois de mai, mais les autres ont été soit proches, soit en dessous, de la normale. La fin d'année a été particulièrement difficile de ce point de vue avec la succession septembre-décembre peu ensoleillée.

    Les occurrences de neige sont, comme un signal en creux de l'insolation, au-dessus de la normale. Les hauteurs de neige ne sont pas mesurées à Dumont d'Urville car le fort vent empêchent les flocons de tomber dans les pluviomètres et d'avoir des mesures correctes. Mais qualitativement, on peut affirmer que la période de septembre à décembre a connu de gros cumuls de précipitations, au vu des tas de neige qui se sont formés durant cette période. Le début d'année était moins enneigé avec souvent de petites chutes de neige. Ainsi j'ai laissé la base antarctique beaucoup plus enneigée qu'au moment où je suis arrivé. Autre manière de voir les choses : j'ai pu skier du 20 mars au 8 décembre sans grande interruption, alors que certaines années, la neige s'en va assez vite, poussée par le vent, ne laissant que la glace, inskiable...

    Le cycle de la banquise autour de Pétrels a été complet. En effet, début janvier 2022, le Pré a fini de débâcler, laissant Pétrels dans sa position insulaire. On a cru pouvoir remarcher sur la banquise début avril, mais la tempête « Samuel » (6 avril) a tout arraché. Le 22, finalement, la banquise derrière Pétrels est ouverte en Z2. La première traversée vers Prudhomme s'est faite le 4 mai, avant que la tempête « Lucie » n’arrache la banquise sur le devant de Pétrels. En quinze jours, elle est reconstruite et la Z2 s’étend alors également vers la Dent et Curie. Le Rocher du Débarquement est atteint le 27 juillet, Fram le 8 août. On atteint alors l'extension maximale de la banquise de l'hiver, avant l’ouverture d'une polynie à 80 km de DDU suite à la tempête « Vianney » (le 18 août). Elle ne fera que s'approcher ensuite pour atteindre le Rocher du Débarquement le 10 octobre (tempête « Camille »), le Cap des Barres et la Pointe Nord du Lion une semaine après. Fram a les pieds dans l'eau le 22 (tempête « Adrien ») et vers l'est, les beaux paysages de bergs ne sont plus accessibles. Enfin, la liaison avec Prudhomme, vers l'ouest a été coupée le 16 novembre. Il ne reste, au départ de R1 qu'une bande de banquise à l'arrière de Pétrels, entre le Lion et Marégraphe, qui continue à être grignotée jusqu'à la fin de l'année. À noter que sur l'ensemble du continent Antarctique, 2022 est un record d'extension minimal de la banquise.

    Enfin, s'il fallait retenir un évènement de l'année, ce sont les pluies du 17 mars, et la température maximale associée (+4.8°C à DDU et -11.8°C à Concordia) un (triste) record qui montre que si jusqu'à présent l'Antarctique Oriental ne se réchauffait pas (les dernières normales 1991/2020 sont stables par rapport aux précédentes normales), cela est probablement en train de changer

     

    Merci à tous et à toutes d'avoir suivi mes aventures, je me réadapte progressivement au monde du premier jour du reste de [ma] vie, comme le chantait Etienne Daho, avec toujours une petite part de moi qui est restée là-bas, sur le continent blanc (oui je continue à zyeuter la webcam au-dessus de la météo...). J'imagine cette petite part symbolisée par le tableau de mission qui trône dans l’escalier du 42 et par tous ces souvenirs qui ne me quitteront plus.


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  • (♫ Roll the old chariot ♪ Shanty - chant de marins - interprété par David Coffin)

    Vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers2700 km à franchir à raison de 500 km par jour. Cette année, le pack devant DDU a quasiment disparu, la navigation en est facilité, ne serait-ce qu'en comparaison avec l'aller R1 de 2021... De plus, les 50è ne hurlent pas trop et les 40è ne rugissent guère plus... Et c'est tant mieux pour les passagers de l'Astrolabe qui peuvent sortir de leur bannette autrement qu'au démonte-pneu, et profiter du spectacle de l'Océan Austral, puis de la limite entre l'Indien et le Pacifique. Au moment de la traversée du peu de pack, on peut profiter des animaux de passage, puis après une zone presque vide de vie, il faut attendre, pour en revoir, la zone de convergence antarctique, qui est la zone de contact entre les eaux froides de l'Océan Austral et celle, plus douce de l'Océan Indien. Enfin après à nouveau une traversée du désert, les abords de la côte tasmanienne offre la vue sur de la faune (dont des dauphins), puis de la flore (et ses odeurs !) avant l'arrivée au port de Hobart, et les premiers éclairs aperçus depuis plus d'un an... Pendant la traversée, des Albatros passent. C'est l'oiseau qui a la plus grande envergue (jusqu'à 3m50) et qui a la particularité de parcourir de grande distances sans trop d'effort : il ne bat quasiment des ailes, mais profite des courants d'air créés par les vagues pour se maintenir en vol. Son grand périple symbolise un peu le nôtre...


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  • (♫ Littlemore Tractus ♪ d'Arvo Pärt)

    Dernière photo argentique développée, ça aussi c'était bien ! ;-)Et voilà l'Astrolabe à quai, que nous allons rejoindre à pied, tant que le confetti de banquise tient encore un peu. L'année dernière mes collègues étaient partis en hélicoptère, je suis bien content de ne pas partir ainsi, cette impression « d'arrachement » m'aurait gêné. Partir en saluant une dernière fois les manchots, même s'il ne reste plus beaucoup d'Empereurs, c'est quand même bien.

    Je pars plein de souvenirs, de ce voyage de ma vie (n'ayons pas peur des mots). Il y en a tant. Celui qui m'aura le plus marqué reste les aurores polaires du 26 juin 2022, tellement lumineuses que les photos prises ne lui rendaient pas justice. Elles dansaient devant nos yeux, c'était fabuleux, fantastique. Me revient aussi les manchots empereurs que j'ai eu la chance de suivre de près (plus que je ne le pensais) et qui m’épatent tant leur vie est difficile. Ce sont des animaux remarquables. Et puis enfin mes cohivernants. L'hivernage rend les liens avec eux extraordinaires (au sens premier du terme) : quelque chose entre collègues et famille, où les « frontières sociales » sont oubliées (plus encore que pendant mon service militaire en 1998...), où l'attention par la connaissance de l'autre prend tout son sens. Venu pour le voyage, on repart plus riche encore du voyage intérieur.


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  • (♫ La ritournelle ♪ de Sébastien Tellier)

    Passage du témoin de la TA72 à la TA73La boucle est en train de se boucler, c'est une impression que l'on ressent depuis quelques jours, mais avec la passation qui se joue ces derniers jours, on le sent plus que jamais. Résonne en creux celle que j'avais faite il y a un peu plus d'un an. Pour tenir la station et poursuivre la (sacro-sainte !) série de données dans le point le sud des stations météo de France, le 73è maillon sera composé de Pauline, chef de Station, Hervé à l'exploitation (mon remplaçant) et de Laurent à l'instrumentation (et qui a déjà hiverné en 2016, quel courage de remettre le couvert !). Les journées de passations sont denses car on a pas beaucoup de temps pour faire passer plein de choses, les subtilités du climat et de son début de changement, la réaction des modèles de prévision au lieu, les règles de l'observation des nuages, le rituel du lancer de ballon de radiosondage qui me fait penser parfois à la cérémonie du thé, tant chaque geste est important, le fonctionnement de la base, et celui de la machine à café, etc. Et puis, il faut aussi garder un peu de temps pour dire adieu au lieu. Si certains pensent revenir, d'autres comme moi savent qu'ils ne le reverront pas. Pourquoi refaire un hivernage alors que celui-ci fut si réussi ?


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  • (♫ Der Telefon Anruf ♪ de Kraftwerk)

    Ti-ti-ti Ta Ti ti...Depuis quelques années, les communications avec la base de DDU se sont considérablement améliorées. En effet, à l'époque de Maret et les années qui ont suivis, il n'y avait que les communications radio, et celles en morse pour relier ces terres reculées avec le monde extérieur. Les problèmes de propagation des ondes radios était crucial, c'est pourquoi  le « mât Iono » a été installé pour justement étudier la réflexion et donc la propagation de ces ondes. J'ai d'ailleurs appris récemment qu'il l'a été sur l’instigation d'André Lebeau, nommé tard directeur de la Météorologie Nationale, puis de Météo-France.

    Il y a encore quelques années, les « pédoches » (télégrammes familiaux, encore utilisés dans les années 1990), puis le mail et le téléphone faisaient le lien avec l'extérieur, avec une particularité pour le mail : il fallait attendre le passage du satellite pour envoyer puis recevoir le mail (années 2000/2010). Avec deux ou trois passages par jour, on était loin de la messagerie instantanée. L'Internet est apparu ensuite, via une antenne satellite, la V-Sat (construite en 2013) et grâce à l'augmentation de la bande passant à 3Mo cette année, on commence à pouvoir utiliser des outils plus « modernes » (Skype, WhatsApp, ...). Cela permet aussi, du point de vue de la météo, de recevoir plus données pour faire des prévisions plus précises...


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