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Par lmdlg le 12 Janvier 2023 à 05:30
(♫ Opening ♪ de Philipp Glass, interprété par Víkingur Ólafsson)
Pour mon 96è et dernier article, je voulais vous proposer un résumé climatique de cette année 2022 à Dumont d'Urville.
Côté températures il s'agit d'une année plutôt « chaude » avec un écart à la moyenne de +0,7°C (-10.3°C de température moyenne). En fait, seul le mois d’aout a été bien en-dessous des normales (-1,9°C), En revanche, mars, mai, septembre et surtout octobre (+2,6°C) ont été particulièrement doux. Le record de température maximale quotidienne de l'année est de +5.2°C le 15 décembre 2022 (mais le record de la TA est de +7.7°C les 13 et 14 décembre 2021) et le record de froid est de -31,1°C relevé le dernier jour du mois de juin.
2022 a été aussi une année ventée car si on regarde les occurrences de rafales supérieures à 100 km/h, on est au-dessus de la normale. Certes, janvier a été très calme (avec une seule occurrence), mais la période avril-novembre a connu beaucoup de journées avec des rafales supérieures à 100 km/h. Cela se retrouve pour les tempêtes (vent moyen supérieur à 50 kts pendant au moins trois heures), et chacun des hivernants a pu avoir une tempête à son nom. La rafale maximale de l'année, 189 km/h, est tombée en tout début d'hivernage avec « Gaétan », le 4 mars 2022. À noter une tempête mi-décembre 2021, rattachée à notre TA, « Céline », et une autre fin décembre 2022 donc rattachée à la TA73 : la tempête « Victor ».
L'insolation est déficitaire, -9% par rapport à la normale. On a eu un très beau mois de janvier, et aussi un beau mois de mai, mais les autres ont été soit proches, soit en dessous, de la normale. La fin d'année a été particulièrement difficile de ce point de vue avec la succession septembre-décembre peu ensoleillée.
Les occurrences de neige sont, comme un signal en creux de l'insolation, au-dessus de la normale. Les hauteurs de neige ne sont pas mesurées à Dumont d'Urville car le fort vent empêchent les flocons de tomber dans les pluviomètres et d'avoir des mesures correctes. Mais qualitativement, on peut affirmer que la période de septembre à décembre a connu de gros cumuls de précipitations, au vu des tas de neige qui se sont formés durant cette période. Le début d'année était moins enneigé avec souvent de petites chutes de neige. Ainsi j'ai laissé la base antarctique beaucoup plus enneigée qu'au moment où je suis arrivé. Autre manière de voir les choses : j'ai pu skier du 20 mars au 8 décembre sans grande interruption, alors que certaines années, la neige s'en va assez vite, poussée par le vent, ne laissant que la glace, inskiable...
Le cycle de la banquise autour de Pétrels a été complet. En effet, début janvier 2022, le Pré a fini de débâcler, laissant Pétrels dans sa position insulaire. On a cru pouvoir remarcher sur la banquise début avril, mais la tempête « Samuel » (6 avril) a tout arraché. Le 22, finalement, la banquise derrière Pétrels est ouverte en Z2. La première traversée vers Prudhomme s'est faite le 4 mai, avant que la tempête « Lucie » n’arrache la banquise sur le devant de Pétrels. En quinze jours, elle est reconstruite et la Z2 s’étend alors également vers la Dent et Curie. Le Rocher du Débarquement est atteint le 27 juillet, Fram le 8 août. On atteint alors l'extension maximale de la banquise de l'hiver, avant l’ouverture d'une polynie à 80 km de DDU suite à la tempête « Vianney » (le 18 août). Elle ne fera que s'approcher ensuite pour atteindre le Rocher du Débarquement le 10 octobre (tempête « Camille »), le Cap des Barres et la Pointe Nord du Lion une semaine après. Fram a les pieds dans l'eau le 22 (tempête « Adrien ») et vers l'est, les beaux paysages de bergs ne sont plus accessibles. Enfin, la liaison avec Prudhomme, vers l'ouest a été coupée le 16 novembre. Il ne reste, au départ de R1 qu'une bande de banquise à l'arrière de Pétrels, entre le Lion et Marégraphe, qui continue à être grignotée jusqu'à la fin de l'année. À noter que sur l'ensemble du continent Antarctique, 2022 est un record d'extension minimal de la banquise.
Enfin, s'il fallait retenir un évènement de l'année, ce sont les pluies du 17 mars, et la température maximale associée (+4.8°C à DDU et -11.8°C à Concordia) un (triste) record qui montre que si jusqu'à présent l'Antarctique Oriental ne se réchauffait pas (les dernières normales 1991/2020 sont stables par rapport aux précédentes normales), cela est probablement en train de changer.
Merci à tous et à toutes d'avoir suivi mes aventures, je me réadapte progressivement au monde du premier jour du reste de [ma] vie, comme le chantait Etienne Daho, avec toujours une petite part de moi qui est restée là-bas, sur le continent blanc (oui je continue à zyeuter la webcam au-dessus de la météo...). J'imagine cette petite part symbolisée par le tableau de mission qui trône dans l’escalier du 42 et par tous ces souvenirs qui ne me quitteront plus.
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Par lmdlg le 3 Décembre 2022 à 03:37
(♫ Au revoir ♪ de Gilbert Bécaud)
C'est le grand départ... Pas encore le mien, même si effectivement l'Astrolabe quitte Hobart demain pour venir me chercher ainsi qu'une bonne partie de mes camarades de la TA72.
Mais c'est celui des manchots empereurs, que l'on a vus naître et grandir sous nos yeux... Les adultes sont partis depuis quelques jours, et les juvéniles n'ont eu comme solution que de quitter le Nunatak natal, pour se diriger vers la mer, là où ils sentent que se trouve la solution pour ne plus avoir faim... Après avoir longtemps hésité (on les entendait durant la nuit précédente), ils ont finalement décidé de faire le grand saut un peu avant midi, ce samedi. Un autre groupe situé sur l'Anse du Lion n'a pas encore osé franchir le pas à l'heure où j'écris ces lignes... Mais gageons que cela ne saurait tarder. Voici donc un cycle de la vie de l'Empereur qui s'achève et j'ai eu la chance d'être aux premières loges. Ils reviendront dans trois ans au moins, apporter leur pierre à l'édifice. Qu'ils partent alors que je m'apprête à faire de même est vraiment un beau cadeau et un grand moment de cette aventure.
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Par lmdlg le 29 Novembre 2022 à 09:14
(♫ Pour Gabrielle ♪ de Jorane)
Tout comme les Adélies, les Empereurs sont transpondés afin qu'ils puissent être détectés plus tard par les antennes de dispersion que l'on a surveillées tout l'hiver. Cette manip' se fait quand les « ados » empereurs sont assez grand mais pas trop lourds non plus. La technique employée est simple : quatre participants s'approchent d'une « crèche » de petits avec un panneau grillagé chacun, puis se rejoignent pour former le « corral ». On transponde ensuite chacun des petits présent dans le corral et on leur fait aussi quelques mesures pour surveiller la croissance et la bonne santé de la colonie. Le but est d'en transponder 300 sur un total d'un peu plus de 3000 naissances observées cette année. Une manip' qui s'étale donc sur plusieurs jours, et qui n'est pas aidée cette année par la météo peu clémente : il fait « chaud » et il neige voire bruine... En cas de mauvais temps, la manip' est suspendue car les petits n'aiment pas être mouillés.
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Par lmdlg le 13 Octobre 2022 à 06:47
(♫ Finale de l'ouverture de Guillaume Tell ♪ de Rossini)
Partis depuis le début du mois mars (et avant la pluie du 18 mars potentiellement mortelle pour les petits), les Adélie sont de retour à peine le système Antavia remis en route. En un peu plus de six mois d'absence, ils ont eu le temps de se refaire une santé et des réserves pour un nouveau cycle de la vie. Ils arrivent comme des fusées sur la banquise, et la compairaison avec les empereurs est assez amusante à regarder. En effet, les empereurs ont un train sénatorial, le pas lent mais constant, comme une force tranquille, tandis que le petit Adélie se déplace comme une « voiture télécommandée » (expression reprise à Jimmy) sur la glace, mais s'arrête aussi plus souvent. Parfois les deux espèces se déplacent ensemble, donnant une idée de parents accompagnants leurs enfants l'école. Mais que l'on ne s'y trompe pas, les deux espèces si elles ne se craignent pas mutuellement, s'ignorent. Chacun fait sa vie de son côté. On ne reverra pas Angus, le petit Adélie qui est né en face de la météo l'année dernière, car il faut attendre 5 ans pour qu'il soit prêt à participer à donner la vie. Mais 30.000 de ses congénères sont attendus. Ils ont la polynie pas trop loin, puisque le Rocher du Débarquement a désormais tout le devant dans l'eau, ce qui va limiter les déplacements entre l'île et l'Océan Austral. Une expédition phoques (il y en une dès que la météo le permet) a pu y accéder hier, mais probablement pour la dernière fois de l'année.
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Par lmdlg le 8 Octobre 2022 à 08:00
(♫ Amor volat undique ♪ Extrait des Carmina Burana de Carl Orff, pour fêter le retour les oiseaux)
Le printemps revient, avec les espèces d'oiseaux qui se multiplient : les PGA, les pétrels des neiges, les fulmars, les skuas (premier spécimen aperçu aujourd'hui), et même le manchot Adélie. Il est seul et se cache bien, mais il a été aperçu. J'en profite pour vous rediriger vers les deux articles qu'avait écrit Adélie (véto de la TA71) : ici et là, pour bien apprendre à les reconnaître.
Et puisque les Adélies ne vont pas tarder à revenir, il va falloir remettre en route télémancho : le programme télé qui permet de savoir tout ce qu'il se passe à la « rookerie » (manchotière d'Adélie) d'Antavia du Val Joli. Iban et Paul (pour la partie informatique et transmission), Laurent et moi-même (pour la partie reconstruction de l'enclos) remettons donc tout en place : les portes, les pesons, les détecteurs de puce magnétiques, les enclos, les caméras, etc... Un travail de longue haleine dans un environnement accidenté : le Val Joli est resserré et souvent venté, mais qui doit être mené avant que la colonie éponyme ne se présente devant les portes d'Antavia.
P.S. : un grand merci à l'Amicale des Missions Australes Et Polaires Françaises qui a attribué le prix du Jury à mon modeste blog et félicitations à Jimmy qui a reçu le prix du public !
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